mardi 7 juillet 2009

Voir Bouaké et Vivre

Ce texte m'a été posté par une amie, après un court séjour à Bouaké...


Lorsqu’en ce jeudi matin, je quittai Abidjan pour Bouaké à la faveur d’une visite à des amis, je me posai la question de savoir si j’allais en revenir vivante. C’est donc le cœur battant la chamade mais plein de courage quoique je voulusse y renoncer plusieurs fois, que je m’installai à bord de ce car appartenant à une de nos compagnies huppées de la place. Pour une fois, l’heure de départ fut respectée avec hélas dix minutes de retard tout de même. Un tour à yopougon pour y prendre d’autres passagers, mais personne n’a pris la peine de nous expliquer l’itinéraire que nous allons emprunter. Je profitai donc pour admirer le paysage et quel paysage. Les immondices jonchant aux abords des voies. J’étais en pleine méditation lorsque je me rendis compte à cause du brouhaha particulier, que nous étions à « yop city » la belle. Je pris donc mon temps pour admirer la statue qui trône au rond point de siporex. Une belle œuvre architecturale mais qui est devenue le repère de fous où traînent toutes sortes de saletés. Oh pauvre Afrique me suis-je écriée. Faire des monuments à coup de millions pour les laisser à l’abandon. « Safroulaye. » C’est cela hélas la Côte d’Ivoire. Tous les passagers à bord, tant bien que mal, notre car se sortit du bourbier « yopougolais » et nous partîmes pour un voyage attrayant. Diminution drastique des contrôles. Cela n’était pas fait pour me déranger en tout cas. Mais des arrêts intempestifs eurent raison de ma patience. Nous pouvions nous arrêter plus de 30 minutes à une gare et personne ne nous dit mot. La communication n’est pas le point fort de toutes ces compagnies de transport terrestre.

Plus de 5 heures plus tard, le dos en compote, les pieds enflés, les muscles endoloris, je vis que nous étions au corridor de Bouaké. J’appelai donc toute heureuse mon correspondant de Bouaké et lui fis part de ma position. Il me dit : ils vont te demander de payer 500 F mais ne paie rien. Montre leur ta carte de fonctionnaire. D’accord ai-je répondu. Je vis apparaître quelques secondes plus tard, un élément des Forces Nouvelles. Bonjour Messieurs, dames. C’est deux cent, deux cent. Je sursautai en entendant le son de sa voix dans un français approximatif. Le Commandant Chérif Ousmane a « diskité » avec les gars de UTB donc pour vous c’est deux cent. Sinon les autres « y » payent 500 . Pas d’histoire, vous donnez vite vite et le car peut repartir vite. Je pris peur lorsque que derrière moi, j’entendis, je vais faire quoi avec papier. Je te dis c’est 200. Donne moi l’argent et non papier. Je le vis s’avancer vers moi, et avant qu’il ne m’accoste, je lui dis, je cherche l’argent. Cherche vite alors on va passer au suivant. Intérieurement, je me suis dit, mieux vaut payer. Alors je lui tendis les 200 F. Il les prie et sans même me remercier, continua son chemin. Le rustre, l’insultai je en mon for intérieur. Tous les passagers encaissés, le car continua sa route. Je fus soulagée de voir mon correspondant m’attendre au pied du car. Nous partîmes pour mon lieu de logement. La nuit venue, nous sortîmes manger et je puis admirer bouaké et ses belles rues bien éclairées. Une grande avenue pleine de lumière, rappelant bouaké au temps de sa splendeur. Bouaké et sa piscine, ses grandes rues bien éclairées me suis-je surprise à fredonner ce chant. Le matin, je partis faire un tour et je constatai que bouaké me rappelle une ville du burkina Faso avec ses milliers de motocyclettes ou le bénin avec ses « zémidjan ». Lorsque arrivée au fameux rond point de Bouaké, je constatai que ce sont les Forces Nouvelles qui réglaient la circulation, je demandai à mon correspondant mais où sont nos forces de l’ordre puisque le Préfet est là et l’on m’a dit qu’elles sont là aussi. Elles sont là certes, mais se font discrètes m’a-t-il répondu. Elles sont dans leur coin. Ah bon, je croyais les deux armées allaient travailler de concert. Ce détail m’amena à être plus regardante et je me rendis compte que ce sont les Forces Nouvelles qui dirigent encore Bouaké. Je ne voulus ni allée en boîte de nuit ni sortir tard la nuit. Ai-je eu tord, je ne sais pas. Ce que je sais par contre c’est que mon séjour a été de tout repos et très enrichissant. Lorsque mon séjour prit fin, j’empruntai un car de la même compagnie pour Abidjan. Le même scénario de payer 200 F s’imposa à tous les passagers qui bien que pas contents du tout, durent s’exécuter et le car prit la route. 6 heures plus tard, je me retrouvai à Abidjan, toute fourbue et rentrai directement me coucher. Ai-je rêvé ce voyage me suis-je demandai à mon réveil. Je suis allée à Bouaké, j’y ai vécu, mangé, je me suis promenée, et je suis revenue vivante. Bouaké renaît de ses cendres, Bouaké vit. Mais à quand la normalité ? Bouaké retrouvera t – il son statut d’antan ? Seul, l’avenir nous le dira.

2 commentaires:

St-Ralph a dit…

Joli témoignage. C'est justement ce que je redoutais au moment où tout le monde semble confiant pour des élections nationales. comment cela est-il possible ?
Je vois clairement que les amis de soro ne peuvent quitter les moyens qu'ils ont de se faire de l'argent. Ils dorment sous un arbre dont les feuilles sont des biellets de banque. comment voulez-vous qu'ils vivent demain s'ils abandonnent leur position ? Notre amie voyageuse se réjouit d'avoir finalement passé un séjour sans problème à Bouaké. Mais est-ce une vie que de vivre la peur au ventre ?

hiler a dit…

Tout à fait...Dire qu'on reste confiant à 100% serait faire preuve d'ignorance.Ce témoignage qui m'a été posté, montre bien ce que pense et livre un ivoirien vivant en zone "gouvernementale" et précisement à Abidjan.
Moi je pense que cette situation est vecue comme un sévrage.Ils se sont installé dans une logique de contrôle des ressources financières de la zone et ne vivent que grace à cela;
permettre la mise en place de la légalité, représente sûrement pour eux la fin des entrées.
Peut-on ou doit-on offrir une alternative de gain financier pour eux? Je pense que le debut de la solution mérite que l'on s'y penche véritablement.